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Meilleurs amis pour la vie

Temps de lecture : 3 minutes

Mis à jour le 22 juillet 2021 à 10h13

Lydia continuait de ranger sa nouvelle maison. Totalement accaparée par sa tâche, elle n’avait pas entendu sonner. Deux heures plus tard, c’est la sonnerie de son téléphone qui la tira de ses travaux en tout genre. C’était le bureau d’Harry. Lydia fut surprise. Jamais le bureau ne l’avait appelé avant. Lydia était donc intriguée.
-Firmes Sesco. Bonjour Madame.
-Bonjour, répondit Lydia.
-Vous êtes la femme d’Harry Marcelin ?
-Oui c’est moi. Que puis-je pour vous ?
-Nous avons une mauvaise nouvelle.
-Quoi ? Qu’est-il arrivé à Harry ?
-Euh, il y a un incident sur la route alors qu’ils étaient à Martissant.
-Arrêtez ce baratin. Que s’est-il passé ?
-Votre mari a été tué.

Le téléphone échappa des mains de Lydia alors que la voix de son interlocutrice continuait de débiter des informations. « Balles… Poursuites… Tué sur le champ… ». Lydia n’entendait rien du tout. Une seule chose lui revenait à l’esprit. Harry a été tué.

Deux heures plus tard, Caroline vint chez elle et la trouvèrent une bouteille vide posée à côté d’elle. Des verres brisés, des coussins par terre, comme si Lydia avait essayé de tout détruire dans la maison.
-Lydia, lui dit Caroline. Qu’est-ce que tu as fait ma chérie ?
-J’arrangeais ma nouvelle maison alors qu’il se faisait tirer dessus, répondit-elle dans un sanglot.
-Tu ne pouvais pas savoir Lyd.
-J’aurais dû, cria t-elle
-Non, ne culpabilise pas. Comment aurais-tu fait pour savoir qu’il se faisait tirer dessus Lydia ? Sois raisonnable.
-Il aurait pu rester en Guadeloupe. Je lui ai demandé de revenir ici. Je n’ai pensé qu’à moi, à mon bien-être.
-Tu n’es pas coupable de vouloir vivre chez toi Lydia. C’est un droit que tu as. L’insécurité bat son plein. Personne n’est à l’abri et…
-Harry l’était lorsqu’il n’était pas en Haïti, dit-elle en interrompant Caroline et par ma faute, il est revenu puis il est mort.
-Tu ne le lui as pas forcé la main. S’il est rentré c’est parce qu’il l’avait bien voulu…

Lydia ne répliqua plus. Son amie croyait l’avoir convaincue mais elle était persuadée que son mari était mort parce qu’elle aimait quelqu’un d’autre. Et ce soir-là, tous les discours du monde sur l’irresponsabilité de l’Etat et de la Police n’ont pas pu la convaincre du contraire. 33ans, se dit-elle, beaucoup trop jeune pour mourir.

……………………………………………….
Alan se tenait religieusement au courant des nouvelles de chez lui. Et ces derniers temps, les informations étaient alarmantes. Presque tous les jours des gens se faisaient tuer au nez et à la barbe des policiers et des hauts responsables de l’Etat et aucune autorité ne pipait mot. Ce soir-là, alors qu’il lisait le journal, un nom attira son attention. Encore une victime, se disait-il. Il allait tourner la page quand il prit le temps de regarder l’information de plus près. C’est alors qu’il le vit. Harry Marcelin a été tué.

A Port-au-Prince, les gens affluaient chez Lydia qui les recevait dans un état de somnolence aigue. Elle répondait « merci » à tout ce qu’on lui disait sans vraiment y prendre garde. Les parents d’Harry étaient venus eux aussi et sa mère n’arrêtait pas de pleurer. Lydia aurait voulu s’échapper, aller quelque part d’autre. Elle n’avait envie de voir personne. Ses amis allaient et venaient. On lui préparait à manger mais depuis 24 heures, Lydia n’avait le courage d’avaler quoi ce soit à part des verres de vin qu’elle ingurgitait à grosses gouttes.

Après avoir pleuré de tout son soûl, la mère d’Harry se décida à rentrer chez elle avec son mari. Lydia se sentit soulagée. Ses amis, fatigués de la voir aussi taciturne avaient choisi eux aussi de prendre congé. Enfin seule, se dit-elle. Pour pouvoir boire comme elle l’entendait et ruminer son chagrin aussi. Elle en avait marre de leur sollicitude. Elle savait que la plupart d’entre eux était sincère mais tout ce qu’elle voulait maintenant c’était qu’Harry revienne. Qu’elle ait une chance de tout reprendre et de l’aimer comme il le méritait.

Quelle ironie, se dit-elle. Malgré sa mort, Lydia savait qu’elle n’aurait jamais pu l’aimer comme elle le devait. Elle ne pourrait jamais l’aimer comme… elle aimait Alan. Son meilleur ami. Qu’elle avait perdu aussi. En si peu de temps, elle avait perdu deux des hommes de sa vie. Et Lydia se mit à pleurer amèrement, rageusement quand la sonnerie retentit de nouveau. Elle fit semblant de ne pas entendre. Elle n’avait nulle envie d’écouter un énième « je vous présente mes condoléances ».

L’insistance de la personne la tira de sa léthargie et elle se força à ouvrir la porte. Puis, Lydia le vit. Son meilleur ami, l’homme qu’elle aimait était là au seuil de sa porte.
-Qu’est-ce que tu fais là Alan ?
-Meilleurs amis pour la vie non ?

Se faisant, il la prit dans ses bras et pour la première fois depuis ces dernières 24 heures, Lydia se sentit bien.

À propos de Vanessa Dalzon

Je suis Vanessa Dalzon, journaliste ayant fait des études en Droit. Auteure.

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