samedi , 27 avril 2024

Femme-Juge, un défi de tous les instants

Temps de lecture : 3 minutes

Mis à jour le 5 mars 2021 à 12h52

Intégrer et se faire un nom dans un métier dans lequel les hommes ont eu la prédominance et l’hégémonie pendant longtemps n’est pas chose facile. De ces domaines qui ont été la chasse gardée des hommes, la magistrature en est une. Les chiffres en disent longs : moins de 12% de femmes Juges en 2020 dans le système. Au milieu de ce groupe peu nombreux, Gertha Elias, Juge de siège au Tribunal de Première Instance de la Croix-des-Bouquets a voulu partager avec nous ses expériences dans ce métier dans lequel « être femme n’est pas toujours facile ».

Débuts dans la Magistrature

Gertha Elias a intégré la Magistrature haïtienne en 2015. Après des études classiques au Lycée Faustin Soulouque à Petit-Goâve, Magistrat Elias a opté pour l’Institut d’Etudes et de Recherches Africaines d’Haïti (IERAH) puis pour le Droit à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Port-au-Prince. Elle s’inscrivit ensuite à l’Ecole de la Magistrature (EMA) pour un apprentissage de deux années. En 2015, Me Elias est nommée Juge de siège au Tribunal de Première Instance de Petit-Goâve puis elle a été transférée au même titre au Tribunal de Première Instance de la Croix-des-Bouquets en 2019.

Femme-Magistrat, femme tout court

Qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme, devenir Magistrat requiert les mêmes acquis : des études de Droit suivies d’études spécialisées à l’Ecole de la Magistrature, après une soutenance de mémoire, ou encore l’intégration directe après avoir travaillé pendant quelques années en tant qu’avocat. Cela n’empêche pas cependant à certains hommes-Magistrats de croire qu’une femme-Juge ayant le même curriculum vitae que le leur, n’ait pas assez de compétence pour pouvoir faire son métier.

D’après le Magistrat Elias, les préjugés que véhicule la société concernant les compétences ou les connaissances des femmes dans divers domaines intellectuels se retrouvent aussi au sein de la Magistrature.

« Pour certains, la capacité intellectuelle de la femme est réduite, ou bien ils voient une femme- Juge comme un monstre de sévérité, au contraire d’un homme », ajoute Magistrat Elias. Une situation pour le moins inconfortable pour celle qui siège au Tribunal de Première Instance de la Croix-des-Bouquets.

Être femme-Juge, une progression difficile

Pour rentrer à l’Ecole de la Magistrature, il suffit d’avoir les compétences : homme ou femme peut facilement y avoir accès, d’après le Magistrat Elias. Cependant, la progression n’est pas aussi évidente qu’on soit homme ou femme. Les chiffres en témoignent : il n’existe que deux femmes qui ont un poste de Doyen au sein des dix-huit (18) Tribunaux de Première Instance de la République. A la Cour de Cassation, la plus haute instance judiciaire où il y a onze Juges, il n’y a qu’une femme.

Femme rime avec faveur sexuelle

Au cours de son parcours en tant que Magistrat, la Juge Gertha Elias a eu à faire beaucoup d’expériences. L’une de celles qui l’a marquée particulièrement fut ce dossier la concernant qui devait être traité par un collègue masculin. Ce dernier en charge de l’affaire n’a finalement jamais résolu l’affaire. Selon certains collègues masculins, la Magistrate aurait dû lui donner « quelque chose » ,disaient-ils avec ironie, afin d’activer le dossier. Ce « quelque chose » ne se résumait qu’à une faveur sexuelle, uniquement parce qu’elle était une femme.

Cette situation, même si elle ne s’est pas répétée par la suite, explique pour le moins les problèmes qu’une femme peut confronter au sein d’un système essentiellement masculin.

Se battre pour changer

Depuis son entrée dans la Magistrature, Me Gertha Elias est consciente qu’il faut que des actions soient posées pour que les femmes aient une meilleure représentation dans le système. Membre du Chapitre Haïtien de l’Association Internationale des Femmes-Juges, Me Elias, de concert avec ses collègues plaide non seulement pour redorer le blason du système judiciaire mais aussi permettre aux femmes de pouvoir s’épanouir autant que leurs collègues masculins.

Croyant que les femmes sont toutes aussi compétentes que les hommes, Me Elias pense qu’il est temps qu’on donne aux femmes la possibilité de montrer ce qu’elles valent, quel que soit le domaine d’activité concerné.

Vanessa Dalzon

À propos de Vanessa Dalzon

Je suis Vanessa Dalzon, journaliste ayant fait des études en Droit. Auteure.

Visitez aussi

Le cauchemar des loyers en Haïti en temps de crise

On vit dans un pays perpétuellement en crise. Face à l’absence de l’Etat, il ne …