Ils nageaient tous les deux dans le bonheur. Dès qu’ils ne travaillaient pas, ils se retrouvaient. En si peu de temps, il m’était devenu indispensable, pensait Charline, resistant à l’envie d’envoyer un message à Ricardo alors qu’ils venait à peine de se séparer puisqu’il l’avait déposée au bureau avant de rejoindre le sien. Prenant son téléphone, Charline remarqua qu’il avait déjà fait le premier pas.
“Y aurait-il une place pour un autre avocat dans ton cabinet? Je passe beaucoup trop de temps loin de toi. Tu me manques déjà, avait écrit Ricardo”
“Tu me manques aussi. Je me demandais combien de temps, je devais laisser passer avant de t’écrire alors qu’on était ensemble ce matin,a répondu Charline.”
“Chérie, même le temps que tu prends pour répondre à mes messages me parait long. Je t’aime Line.”
“Je t’aime aussi Rick et malheureusement, je dois te laisser. Le devoir m’appelle.”
Charline avait à peine eu le temps d’envoyer son message, sa secrétaire avait déjà introduit sa nouvelle cliente. Charline était surprise. Sa cliente semblait avoir reçu des coups.
-Madame…?
-Lemaire. Lorie Lemaire.
-Madame Lemaire, je me trompe peut-être mais j’ai l’impression que vous aviez reçu…
-Des coups? C’est exact.
-Et vous avez été voir la police? Vous avez porté plainte?
-Non, je ne savais pas trop vers qui me tourner et je me suis rappelée un article sur vous disant que vous aidez les femmes en détresse alors je suis venue ici, dit-elle en pleurant.
-Calmez-vous Madame Lemaire. Je veux bien vous aider mais il faut que vous me disiez si vous voulez porter plainte contre celui qui vous a frappé. C’est qui?
-C’est mon mari.
-Je vois. Est-ce que vous êtes prête à porter plainte?
-J’aimerais bien mais il est riche et sa famille est puissante. Je ne sais pas.
-La décision vous appartient, Lorie, dit Charline en s’approchant d’elle. Je vous aurais conseillé seulement de le faire. Quelqu’un qui vous a mis dans cet état mérite de payer. Et si vous décidez de porter plainte, je vous accompagnerais jusqu’au bout.
-Je ne sais pas. Je ne sais pas.
-Lorie, prenez votre temps. Vous pourrez rentrer et retrouver un de vos proches. Reposez-vous en attendant de prendre une décision. Vous pourrez revenir me voir quand vous voulez.
-Non, si je pars, je ne reviendrai pas. Je n’en aurai jamais le courage. Allez-y. Je veux également entamer une procédure de divorce.
-Vous en êtes sûre.
-Oui.
-Bien. Allons-y.
Charline questionna sa cliente pendant un certain temps, prit ses contusions en photo et la renvoya. Elle travailla d’arrache-pied et déposa sa demande avant la fermeture des tribunaux. Elle estima qu’elle avait fait tout ce qu’elle pouvait pour la journée. Elle s’apprêtait à partir quand l’un de ses collègues qui ne l’aimait pas beaucoup l’apostropha dans le couloir. Ce dernier convoitait la place d’associés et en voulait à Charline parce qu’elle semblait bien plus près de l’obtenir.
-Madame enchaine les succès ici enfin si on compte la négociation comme une victoire.
-Pour pouvoir négocier, il faut déjà être un bon avocat et ça ne se limite pas à envoyer des vannes pourries à une collègue bien plus douée.
-L’arrogance de Volcy déteint sur toi on dirait. Tu étais bien plus humble avant et ça t’allait mieux.
-Tu parlais moins avant et ça allait mieux à tout le monde.
-Garde cet état d’esprit, Leblanc. Tu en auras besoin pour ton nouveau bras de fer avec Volcy.
-Mon nouveau bras de fer?
-Oui, le mari de ta nouvelle cliente a eu vent de la plainte et s’est pris lui aussi un avocat. Et c’est Volcy.
-Tu n’es pas sérieux?
-Si, je le suis. Ton prince charmant va défendre un homme qui frappe les femmes. Fais attention à tes fesses Leblanc.
C’était la pire nouvelle que Charline puisse recevoir en cette journée.