samedi , 27 avril 2024

Volte-face

Temps de lecture : 4 minutes

Mis à jour le 20 juillet 2023 à 9h55

On avançait vers la fin du procès. Charline allait gagner. C’était évident. Les preuves qu’elle avait réussi à dégoter contre Carl Lemaire étaient accablantes. Elle fut donc surpise quand sa cliente vient lui dire qu’elle voulait retirer la plainte et laisser tomber.

-Mais on est sur le point de gagner, s’indigna Charline.
-C’est vrai et je vous remercie de tout ce que vous avez fait. Mais si on gagne, Carl va en prison et je n’aurai droit qu’à une petite pension alimentaire. Tandis que là il m’offre 3 fois la somme pour laisser tomber.
-Je ferai en sorte que vous ayez droit à une pension substantielle Lorie.
-Vous êtes douée mais vous ne pourrez pas faire de miracle Me Leblanc. Les preuves qu’il a aussi contre moi sont accablantes et il me dit que si je ne laisse pas tomber, il balancera sur moi.
-Balancer sur vous? Je ne comprends pas.
-Vous êtes bien naïve ma petite de croire en un monde en noir et blanc. Sachez qu’il y a plein de nuances de gris.
-Je ne suis pas sure de vous suivre Lorie.
-Ecoutez, Carl m’a frappé c’est vrai. Il m’a giflée. Je me suis faite les autres marques moi-même parce que j’en avais assez de rester mariée avec lui.
-Quoi? Mais vous auriez pu demander le divorce.
-On ne divorce pas d’un homme comme lui aussi facilement.
-Donc vous avez menti? Alors tout ce qu’ils ont balancé à la barre était vrai.
-Vous ne savez pas ce que c’est d’être mariée avec un homme comme lui. Sur les violences, je n’ai pas menti. Au-delà des violences physiques, il y avait la violence psychologique. Il savait que je l’avais épousé pour son argent et il me le faisait payer. Si j’ai fait semblant d’être enceinte c’est pour qu’il arrête de me frapper. Je l’ai trompé pour qu’il demande le divorce. Il ne l’a pas fait. Seulement, il a gardé les photos pour me tenir en laisse. Si je n’abandonne pas, il salira ma réputation et détruira ma vie. Il en a les moyens. Je l’ai déjà vu à l’oeuvre.
-Lorie, vous pouvez gagner et mettre fin à des années de souffrance et vous en sortir la tête haute.
-Carl m’a déjà tout pris. Chaque jour, je les entends balancer des horreurs sur moi à la barre. Ma famille m’a tournée le dos. Je l’avais épousée pour son argent et aujourd’hui, il me l’offre sur un plateau. Alors je le prends et je m’en vais. Contactez-le et dites-lui que j’accepte son offre. Vous pourrez négocier au mieux.
-Je refuse de faire ça Lorie.
-Vous n’avez pas le choix Me. Je suis votre cliente. C’est ma décision.
-Trouvez-vous un autre avocat pour faire ça. Je ne le ferai pas. Je refuse.
-Bien, si c’est votre dernier mot, je m’en vais.
-Lorie, prenez encore le temps de réfléchir.
-C’est tout réfléchi Me. Merci pour tout.

Charline la vit partir. Elle était triste pour elle mais elle refusait de faire un compromis dans des circonstances pareilles. Après de telles révélations, elle ne se sentit plus d’attaque pour travailler. Elle quitta le bureau et arrivant, elle découvrit Ricardo qui l’attendait.

-Va t’en Ricardo. Je ne suis pas d’humeur, lui dit-elle rapidement.
-Je peux rentrer Charline?
-Pourquoi?
-Il faut qu’on parle.
-De quoi?
-Je voulais te dire que je viens d’avoir une conversation avec Carl.
-En quoi cela me concerne?
-Il a reconnu avoir frappé sa femme à plusieurs reprises.
-Je croyais qu’il était innocent et que c’était moi la naïve.
-Je suis désolé Line. Ce monstre là, je ne le connaissais pas. Il nous a toujours fait croire que Lorie était une menteuse. Et je ne pouvais que le croire puisque Lorie m’avait elle-même annoncé sa grossesse pour qu’on découvre ensuite que c’est faux. Alors quand mon cousin me dit qu’il n’a pas frappé sa femme qui nous a déjà menti, j’ai tendance à le croire.
-Lorie n’est pas une sainte mais ton cousin est une véritable ordure.
-Je savais qu’il avait un sale caractère mais je ne le savais pas violent. Notre discussion a été virulente. Il m’a traité de tous les noms. Mon père a dû intervenir. Il a estimé que si je le laissais tomber c’est à cause de toi et non pas à cause de ces actes.
-Attends, tu l’as laissé tomber?
-Oui, je ne suis plus son avocat. Contrairement à ce que tu penses de moi, je ne défends pas les hommes violents. Et je ne garde pas les clients qui ne me disent pas toute la vérité.
-Lorie n’est plus ma cliente non plus et je suis soulagée de savoir que je ne me suis pas trompé sur toi.
-Tu ne t’es pas trompée sur moi Charline. Tout comme moi je ne me suis pas trompé sur toi et moi ça me fait peur.
-Je ne comprends pas.
-Line, cette affaire a été biaisée dès le départ. Et je ne t’avais pas tout dit sur Lorie et sur les raisons pour lesquelles je défends Carl. Je peux le comprendre mais je n’arrive toujours pas à digérer la rapidité avec laquelle tu as rompu avec moi. On dirait que tu n’attendais que la faille pour prendre tes jambes à ton cou.
-Rick, c’est faux. Je me plaisais bien avec toi.
-Mais tu as toujours peur de te donner pleinement dans la relation. Pourquoi?
-Nous sommes tous les deux des avocats plaidant des divorces. On se retrouvera forcément face à l’autre de temps en temps. Je n’ai pas envie d’avoir à me disputer avec toi tous les trois mois à propos de nos clients. On s’en lassera à un moment. Ça ne marchera pas.
-Tu as déjà eu des dossiers pour lesquels tu avais l’impression que c’était perdu d’avance non?
-Oui…
-Tu les as quand même pris n’est-ce pas?
-Je crois qu’il y a toujours une chance de gagner.
-Moi aussi. Pour moi, ça va encore plus loin. Je ne laisse jamais tomber. Si je perds en première instance, je vais en appel, je perds en appel, je vais en Cassation. Je n’abandonne pas parce que mes clients comptent pour moi. Gagner est important pour moi mais j’ai découvert ces derniers temps quelque chose qui est encore plus important pour moi.
-Quoi donc?
-T’avoir dans ma vie.
-Rick…
-Line, peu importe le temps que ça prendra pour que tu aies confiance même si cela semble difficile, je ne laisserai pas tomber. Je t’aime et je te veux à mes côtés.
-Jolie plaidoirie maître.
-Est-ce que le juge a été convaincu?
-Mieux. Le juge est totalement sous le charme…Je t’aime Rick. Je te demande juste d’être patient avec moi.
-Est-ce que ça veut dire que je peux rentreer finalement?
Au lieu de répondre à la question, Charline se jeta à son cou et l’embrassa. Cela fait des semaines qu’elle en rêvait.

À propos de Vanessa Dalzon

Je suis Vanessa Dalzon, journaliste ayant fait des études en Droit. Auteure.

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