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Quand le voisin dominicain ferme la porte et montre les muscles

Temps de lecture : 3 minutes

Mis à jour le 2 mars 2021 à 18h35

Il existe des personnes qu’on préférerait ne jamais voir dans notre maison. Pas le temps de jouer les bons samaritains avec eux, car il faut assurer le bien-être à domicile. On préférerait que ces personnes ne viennent pas pour elles également, afin qu’elles puissent utiliser leur temps à des fins plus utiles – comme mettre de l’ordre dans leur propre affaire.

Malheureusement, la vie n’a pas fait de cadeau à ces derniers. Ils continuent inlassablement de se pointer. Dans ces moments-là, on est obligé d’utiliser de grands moyens (de répression). C’est la rhétorique des gouvernements dominicains qui se sont succédés au pouvoir depuis 2013.

Ils comptent bien nous le faire comprendre par le « Hard-Power » qui est un terme diplomatique utilisé lorsqu’une nation emploie des stratégies militaires afin de répondre à ses intérêts nationaux.

Et il n’y a pas meilleur endroit pour le montrer qu’à la frontière Haïtiano-Dominicaine. Pour cela, il faut remonter huit ans plutôt lorsque le tribunal constitutionnel Dominicain avait décidé de révoquer la citoyenneté de milliers de citoyens nés sur leur territoire de parents étrangers. L’année suivante, le président Danilo Medina a mis sur pied une procédure permettant aux sans-papiers de légaliser leur statut jusqu’au 17 juin de la même année. Cette mesure visait principalement les haïtiano-dominicains. Ceux qui fournissaient le document demandé obtenait un sursis de deux ans, ceux qui ne pouvaient pas étaient déportés.

Plusieurs bi-nationaux ont été mis en détention dans le Fort Beller (Dajabon), une base militaire de plusieurs batiments verts et dans trois autres camps militaires où le gouvernement dominicain construisait des « abris » pour les migrants Haïtiens et leurs descendants après que des attaques soient survenus dans des régions rurales. Des exactions qui ont suscité pas mal de critiques des organisations de droits de l’Homme.

Au centre de ces critiques, se trouve le CESFRONT. Créé en 2007 par décret présidentiel après qu’une équipe d’experts américains aient trouvé des problèmes majeurs avec le manque d’entraînement des troupes, de logistique, d’armement, de véhicules, et même de nutrition dans les services d’immigration Dominicaine.

Bénéficiant de l’appui important de la police frontalière américaine et du Département de Sécurité Intérieure, les unités du CESFRONT ont été entraînés, équipés, et ont bénéficié des technologies de pointe de surveillance incluant des drones allant de 2007 à 2015.

En 2015, Todd Miller, un auteur et expert de la police frontalière américaine, croyait déjà que les administrations Bush et Obama supportaient le CESFRONT et les militaires dominicains, dans le but de stopper les immigrants haïtiens avant qu’ils n’atteignent les côtes américaines.

“Our government is extending is using Dominican, Mexican and other border enforcement agencies as extensions of our its own border enforcement.”

L’expert poursuit en affirmant qu’à l’époque, l’ambassade des États-Unis avait un attaché militaire de la police des Douanes et Frontières. Un fait rarissime pour être signalé. Ce dernier coordonait la stratégie et les actions frontalières avec le CESFRONT.

On est à peine au troisième mois de 2021 et les forces dominicaines ont déjà lancé deux opérations. La première consiste à doubler le nombre de caméras se trouvant sur la frontière . Ces caméras sont des modèles sophistiquées pour la surveillance militaire, équipés de caméras thermiques pouvant détecter la chaleur corporelle la nuit. Ils sont accompagnés par des véhicules disposant de drones hautement efficients pouvant transférer des images aux centres d’opération.

Le Ministre de la Défense, le Lieutenant Général de l’armée dominicaine, Carlos Luciano Díaz Morfa, a confié qu’actuellement, le ministère de la Défense (MIDE) a déployé 9,748 soldats le long de la frontière terrestre & maritime avec Haiti.

Lors du 117e anniversaire de l’indépendance de la République Dominicaine, le président Luis Abinader a annoncé la seconde à savoir, la construction d’un mur de 400kms le long de la frontière afin d’endiguer les activités illicites minant la sécurité et l’économie de la République Dominicaine. Au-delà des capteurs de mouvement, de systèmes de reconnaissance faciale, de caméras infra-rouge, ce mur comprendra également une grille double-périmètre dans les zones les plus sensibles.

Tout ce qu’il nous reste à faire est peut-être de nous interroger collectivement sur nos rôles respectifs afin de ne pas se rendre chez le voisin qui en a assez de nous voir sonner à leur porte.


Notes
[1] The Slow March of Mass Haitian Deportation: Is Dominican Immigration Policy Being Obamafied? Par Roberto Lovato pour Latino Rebel
https://www.latinorebels.com/2015/06/25/the-slow-march-of-mass-haitian-deportation-is-dominican-immigration-policy-being-obamafied/
[2] Sécurité: cent mille policiers et militaires en République dominicaine
Par Patrick Saint-Pré pour le Nouvelliste
https://www.google.com/amp/s/lenouvelliste.com/article/220111/securite-cent-mille-policiers-et-militaires-en-republique-dominicaine/amp
[3] Armed Forces Increase Controls in Border Area https://dominicantoday.com/dr/local/2021/01/05/armed-forces-increase-controls-in-border-area/

À propos de Rodney Zulmé

Je suis Rodney Zulmé, rédacteur du groupe Balistrad. Passionné de scénarios et de thrillers. Chaque jour est une vie, à travers l'écriture, travaillons à la beauté des choses.

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