Il me semble formuler une question existentielle, comme celle de Shakespeare. Me prends-je trop au sérieux ? Toujours est-il que, de mon point de vue, « bonne mère ou mauvaise mère » est un sujet qui vaut la peine d’être creusé. Après avoir répondu aux attentes sans convictions imposées par la société – se marier, avoir des enfants et bla! bla! bla – me voilà en face d’autres questionnements auxquels je La (mise pour cette même société, s’il vous plaît !) met en défi de répondre, elle qui change si souvent de casque.
Qu’est-ce qui définit nos qualités de mère ? Quand je sais que j’ai passé dix-huit ans à l’école, six à l’université, travaillé quinze ans dans le secteur privé, dix dans l’enseignement, tout cela aurait dû me préparer à être une mère. Eh bien non !
J’ai bûché, trébuché, me suis faite humilier, j’ai accepté d’être sous-payée, me suis prouvée, me suis faite rabrouer, faite révoquer – parfois avec raison, je m’emporte trop facilement – acceptée d’être réévaluée par un incompétent – mais nécessité oblige – et finalement, je suis convaincue au fil du temps de m’être améliorée – après avoir gagné la compétition face à une nouvelle génération d’adversaire plus technologique – pour atteindre enfin ce nirvana professionnel.
Alors, pourquoi, après tout cela, ne suis-je toujours pas une meilleure mère ? Est- ce que mes besoins personnels doivent passer après ceux de mes enfants ? À quel moment, mes vies – (oui ! vous avez bien lu MES VIES… ! nous autres femmes, nous avons 9 vies comme les chats !) donc mes vies de femme, d’épouse, de mère, de professionnelle, d’amie, de ménopausée (important !!), de célibataire – pour certaines – de mono-parente (j’aime les néologismes ! ils expriment si bien parfois la pensée !), de famille (belle-famille incluse… Il y en a qui ne sont pas faciles !) se rejoignent-elles ? Dois-je abandonner une vie pour l’autre ? Être meilleure dans l’une que dans l’autre ?
Quand je n’arrive pas à répondre à toutes ces questions, d’autres me viennent. Mais suis-je assez attentionnée ? Et ma sœur est-elle meilleure mère que moi parce qu’elle est plus soucieuse ou attentionnée ? Pourtant, je suis certaine que mon cœur déborde d’amour pour mes enfants. Quelle mère ne voudrait-elle pas le meilleur pour sa progéniture ?
Moi, je voudrais les empêcher de souffrir. Impossible, la vie n’est pas ainsi faite. Je voudrais prévenir leurs erreurs. Impossible, la vie est faite d’expériences. Je voudrais… Je voudrais… Et j’essaie de prévenir en mettant en garde, en prodiguant conseils (Désolée les enfants, j’exige que vous les suiviez !) Et je laisse la peur m’envahir, devant tant de barrières.
Je suis perdue. Trop c’est trop… Toutes ces questions pour lesquelles les dissertations, l’histoire et la géo, les maths ne m’ont pas préparée à répondre. Pour ma part, je pense qu’hormis le fait d’enseigner aux filles depuis leur naissance à s’occuper de leur maison, à bien servir un mari pour mieux le garder, à être belle et se taire, à être en compétition avec les autres pour notre apparence, il faudrait intégrer à l’école des cours pour aider les filles à apprendre à s’accepter d’abord pour mieux accepter les autres, à s’épanouir dans ce qu’on est, à être vraie. Depuis la naissance, les filles sont les trophées qu’on affiche pour leur beauté, leurs performances. Mais qu’en est-il du bonheur intérieur ?Dis, maman, on l’acquiert comment le bonheur intérieur ? Euh… Tu as lu… ?
Être mère, c’est la profession la plus difficile mais combien méritante quand elle est … quoi ? Je ne sais pas, moi ! Sur quel pied traite-t-on avec ses filles quand elles ont 14, 18 ou 24 ans ? Suis-je trop ou pas assez permissive ? Zut, ces notions ne doivent pas être dans le dictionnaire des mères puisqu’elles ne peuvent pas donner à leurs enfants ce qu’elles n’ont pas reçu, ce qui ne leur a pas été légué par une éducation trop rigoureuse !
Pourquoi attendre d’une femme qu’elle soit aussi performante en tant que mère qu’elle l’est professionnellement ? À cela, je réponds : « je n’ai pas été à l’école pour apprendre ce métier… »
Comment doit réagir le cœur d’une mère quand son enfant la tient à distance ? Hurler, argumenter ou respecter cette injuste imposition ? Pourquoi faut-il que ce soit la mère qui se sente coupable face aux dilemmes de ses enfants? Et pourquoi, porte-t-elle seule la responsabilité de leur éducation ?
« Nou fè timoun, nou pa fè santiman yo. » Telle est la réponse que me donneraient les Anciens et qui devrait solutionner mon casse-tête. Saurai-je m’en contenter ?
Rachel Vorbe