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Les nouveaux dirigeants de la FHF n’arrivent toujours pas à faire mieux

Temps de lecture : 3 minutes

Mis à jour le 8 avril 2021 à 19h54

Comment tester sa popularité après un scandale sexuel en Haïti ? Il suffit de ne rien faire et de laisser ses successeurs se charger de plomber tous les (rares et controversés) efforts consentis auparavant.

Ce dimanche 4 avril 2021, pour le compte de la première journée de la série de clôture du championnat national de première division, le Violette AC recevait l’AS Capoise. Cependant, le match ne s’est pas déroulé puisque les arbitres ont brillé par leur absence. Pourtant dès 3 h 30, l’intérieur de l’enceinte sportif était déjà bien garni par le fan club du Violette AC. Vêtus des couleurs de l’équipe, ils avaient décoré les tribunes pour l’occasion. Même le trophée de champion de la série d’ouverture y était. La faute aux arbitres qui ont poursuivi avec leur boycott des matchs entamé la veille à travers leur syndicat. Il s’agit d’un mouvement de protestation pour réclamer de meilleures conditions de travail et leurs arriérés de salaire de la saison dernière entre autres.

Des voix dans la tribune ont voulu quand même se faire rassurantes :

« Les arbitres sont présents (car la FHF a décidé de mettre aux commandes des femmes pour les honorer), elles négocient pour que le match ait lieu. »

Deux heures plus tard, les joueurs de deux équipes ont fini leur échauffement, toujours aucun signe d’officiels pour arbitrer. L’espoir de voir la rencontre se jouer s’amenuise alors que l’affluence augmente étonnamment. Comme le constate Gary Adrien, chroniqueur sportif de la RTNH :

«Je ne suis pas sorti avec la voiture. J’ai pris une moto pour assister au match et voilà ce que je trouve (en montrant la pelouse) […] L’ironie, c’est qu’en faisant les cents pas, malgré l’incertitude sur la tenue de la rencontre, beaucoup de gens continuaient à venir et ceci en famille.»

« C’était mieux avant, sous Dadou », répète un supporter. Ce dernier faisait sûrement référence à l’époque avant l’investigation de Romain Molina, la mise en place du comité de normalisation, l’effritement des structures d’encadrement de la sélection en déplacement pour les éliminatoires des Jeux Olympiques 2020 (cf : Le fiasco des U23 à Guadalajara), le boycott des arbitres. Violettistes comme Capois semblaient regretter les années du Dr. Jean-Bart qui n’étaient pas, elles non plus, sans mauvaises surprises. Les fans fustigeaient les nouveaux dirigeants sans jamais invoquer les allégations qui pèsent contre l’homme de 77 ans.

« Avec Dadou ça aurait été autrement. Il aurait trouvé un moyen bien avant le lancement du championnat pour payer les arbitres. »

Dans la communication de réhabilitation d’image après un scandale sexuel, il y a toujours une volonté de décrédibilisation des critiques par une démarche de contre-attaque envers les assaillants. C’est dans cette perspective que Romain Molina fut dépeint comme un fanatique et que les membres de la Commission dirigeante de la FHF étaient désignés comme de dangereux opportunistes, le tout sans aucune preuve tangible.

C’est que les spécialistes de la communication de crise appellent «le projet latéral». Il s’agit ici de détourner l’attention de l’opinion publique sur des lieux de débats où la personne accusée se situe en position de force. C’est ainsi que le “bon” déroulement du championnat national de première division sous l’ère Jean-Bart, du paiement régulier des arbitres, et du management des sélections lors des matchs internationaux furent réutilisés dans une stratégie de mise en perspective des sujets majeurs pour la conduite du football en Haïti.

A mesure que l’incertitude obscurcit l’horizon de la D1 nationale, une nostalgie des « années Dadou» s’est imposée chez certains fans haïtiens : on regrette le temps « béni ». Cette légende dorée occulte une partie de la réalité et fait obstacle à la personnalité révélée par l’article paru dans l’enquête de Romain Molina & The Guardian du 30 avril 2020, corroborée plus tard par la sanction imposée par la FIFA.

6 h, le soleil fait place aux nuages de plus en plus denses. Dépité de trop attendre en vain, le public s’en va la tête basse. Un chauffeur de bus faisant le trajet Delmas 65-Portail, en profite pour rajouter une couche plein d’ironie à l’endroit des nouveaux dirigeants : « Ils ont quand même trouvé un moyen pour faire passer Dadou pour un ange. »

À propos de Rodney Zulmé

Je suis Rodney Zulmé, rédacteur du groupe Balistrad. Passionné de scénarios et de thrillers. Chaque jour est une vie, à travers l'écriture, travaillons à la beauté des choses.

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