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Haïti : Evelyne Sincère, séquestrée, torturée et tuée à l’âge de 22 ans

Temps de lecture : 3 minutes

Mis à jour le 1 avril 2021 à 12h07

Cette semaine encore, le lot de personnes mortes, soit par balles ou à la suite d’un kidnapping, s’est vu agrandi. Evelyne Sincère, une jeune fille de 22 ans, a été retrouvée morte sur une pile d’immondices après avoir été séquestrée pendant plusieurs jours.

Encore une fois, une personne est morte parce que des bandits l’avaient tout simplement décidé. Si l’ancien président Michel Martelly entonnait « Bandi legal », depuis la prise du pouvoir par le régime Tèt Kale, les bandits ne se cachent plus. Ce sont eux qui décident désormais. Chaque semaine, des parents inconsolables pleurent le départ d’un fils, d’une fille pour l’au-delà, ce, dans des conditions iniques et inhumaines.

De Martissant, en passant au Bel-Air, La Saline, Delmas à la Croix-des-Bouquets, les bandits sont partout. On retrouve même des ramifications dans nos villes de province. Ils s’installent paisiblement sous le regard complice de nos responsables qui se contentent de tweeter — quand la situation paraît intenable — un message de réconfort après chaque disparition. Et dire qu’ils sont là pour agir !

La PNH impuissante, nos responsables insouciants

Vladimir Legagneur, Monferrier Dorval, Grégory Saint-Hilaire, Évelyne Sincère, Néhémie Joseph, Rospide Pétion, Lencie Mirville, la liste est longue mais non exhaustive. L’enquête se poursuit, répondront-ils. Si plus d’un se livre à des litanies pour réclamer justice, d’autres se ruent pour tenter d’éveiller la conscience de ceux qui, en temps normal, devraient nous la garantir. Vainement, nous réclamons justice tandis qu’ils nous font des adieux.

Nous aspirons à de meilleures conditions de vie alors qu’ils nous facilitent la mort. Comme disait l’autre : « Depi w ap viv an Ayiti, konsidere w mouri deja. Ou sèlman poko antere ».

Mine de rien, les mêmes réactions affluent les réseaux sociaux à chaque fois du côté responsables. Ils font du sur place! Rien n’est jamais fait et nous nous retrouvons dans un dédale avec la mort comme point de repère. Nous avons la triste sensation que nous vivons toujours une même et unique scène à chaque voyage pour l’autre côté.

« Une fois de plus, la PNH dans son ensemble jure que les complices ne resteront pas impunis », tweete Normil Rameau sans qu’il ne sache, qu’une fois de plus, nous comptons des morts et le nombre décuple le temps de sa réaction.

« En tant que père de famille, je suis profondément choqué par l’enlèvement suivi de l’assassinat de la jeune écolière Evelyne Sincère. De telles atrocités sont inacceptables. Les autorités policières et judiciaires n’ont qu’un seul choix: mettre les bandits hors d’état de nuire »

Jovenel Moïse enfin indigné? Incongruence totale puisqu’il sautera sur la première célébrité atterrie sur le sol pour aller jouer les guides touristiques. Entre-temps, Jouthe Joseph enjoint les pères et mères de familles à garder un œil sur leurs enfants en ce qui concerne leurs déplacements. Ahh! Ce dernier a encore une occasion de se taire. A croire que la victime serait aussi responsable de sa mort ! On parle d’une fille majeure enfin ! Aussi, doit-on lui rappeler que Me Dorval a été assassiné dans son garage ? Est-il besoin de lui dire que Grégory Saint-Hilaire s’est pris une balle dans l’enceinte même de sa faculté ?

De l’indignation encore, de l’indignation partout

Si Évelyne Sincère est pour beaucoup une victime de plus, d’autres pensent qu’elle doit être aussi celle de trop. Les réactions sur les réseaux sociaux sont alarmantes. Suis-je le/la prochain·e ? Serai-je épargné·e ? Nos heures semblent être comptées. « N ap wè pita si Bandi vle ». Nous prenons conscience de l’insécurité, de la mort beaucoup plus présente désormais.

Au pire des cas, nous resterons chez nous. Nous y sommes d’ailleurs habitués. Cependant, les gens de Delmas 2, ne se sont-ils pas fait expulser de chez eux par des malfrats? Certains n’ont- ils pas vu leurs maisons bruler, incapables d’aucun geste face à nos bandi legal? Nos organisations de droits humains n’ont-elles pas, à chaque fois, tiré la sonnette d’alarme? N’avions-nous pas oublié à chaque fois ?

Des voitures garées en pleine rue à Port-au-Prince pour exiger justice, les banderoles perchés sur des poteaux, des gestes futiles à première vue mais qui pourraient convaincre bons nombres à se joindre à un noble combat. Des morts, il y en aura mais faisons en sorte que justice soit rendue à chaque fois et que les proches n’auront pas à pleurer continuellement. « Antouka, si w poko mouri, se pa fòt Mouche Leta, tout kondisyon reyini deja ». Pensez-vous vraiment qu’Evelyne Sincère soit la goutte de trop? Enfin…

Wood Guerlin TELLUS

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