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Jamson Isaac

Jamson Isaac, un dessinateur dans la peau et dans l’âme

Temps de lecture : 3 minutes

Mis à jour le 3 mars 2021 à 9h04

Entre la poésie et le dessin, il se voit errer comme l’agneau au beau milieu de la forêt, un petit bonhomme à l’allure singulière. Pour répondre à l’appel de son nom, Jamson Isaac se rue avec en main des crayons, des pinceaux et des bribes de poèmes biens ciselés.

Né d’une famille de 2 enfants, le jeune talentueux s’attache à l’idée qu’avec l’art en général « on peut faire camper toute une histoire, des tonnes de paroles et retourner à l’urgence de toucher la sensibilité de l’autre ».

Si on avait l’habitude de se rendre fréquemment à «Move Move Tonèl », ce petit bar logé à la rue Saint-Honoré, au cœur de Port-au-Prince, on croiserait sur son passage, ne serait-ce qu’une fois Jamson Isaac. Avec toujours un sourire moqueur, l’air timide, ce jeune de 25 ans passe la majorité de son temps là-bas toujours en train d’achever ou d’entamer un tableau.

Dès son enfance, Isaac, comme on l’appelle toujours par son nom de famille, a été attiré par le troisième art, la peinture et le dessin. Les raisons le stimulant à jeter son dévolu sur des feuilles de papier en vue de dessiner, lui ont été méconnaissables. Toutefois, celui qui fait de la peinture sa principale préoccupation n’a pas nié avoir eu toujours envie de reproduire de belles images comme celles inscrites dans les livres d’histoires illustrées.

C’est en 2015 qu’Isaac a déposé ses valises dans la capitale haïtienne comme le font la quasi-totalité des jeunes, peinant à quitter le pays après avoir bouclé leurs études classiques, faute de moyens. Pour donner corps à ses rêves, il a dû franchir la porte de l’Université d’Etat d’Haïti (UEH). Outre son programme de licence qu’il doit coûte que coûte boucler avec brio, il n’a pas tourné le dos au dessin, sa passion. Pour peaufiner son talent et se procurer de plus de bagages théoriques, Isaac s’est faufilé la même année à l’Ecole Nationale des Arts (ENARTS).

Alors que l’horizon paraissait très sombre pour la majorité des jeunes haïtiens, Isaac, quant à lui, trouve un médium pour conjuguer sa vie entre les doutes sur l’avenir et les quotidiens d’angoisses. Aux côtés de ses amis qu’il considère d’ailleurs comme ses frères et avec qui, il partage le studio d’arts graphiques « SKETCH », il dessine sa douleur, ses moments de folie et de bonheur.

Selon Isaac, il n’y a rien de plus important que l’art. C’est avant tout la façon dont l’homme peut faire prévaloir, le cœur léger, son humanité. « L’art c’est l’essence même de la vie », insiste le membre de « Jenerasyon Za ». Cette structure met en valeur le folklore haïtien à travers différents domaines artistiques dont le dessin, le théâtre et la musique.

Dessin réalisé par Jamson Isaac

Dans sa démarche artistique, le jeune, fougueux, la tête pleine de rêves, a suivi la trace de bons nombres d’icônes. Les artistes de la Renaissance comme Léonard de Vinci et ses contemporains l’ont beaucoup influencé. Il y a aussi : Rembrandt, Etienne Sandorfi et Franck Louissaint qui ont alimenté par leurs travaux la capacité de création de l’étudiant finissant à l’ENARTS.

Légions sont les jeunes évoluant dans le même domaine qu’Isaac qui se plaignent de leur condition économique précaire. Son cas se révèle tout à fait différent et surprenant quand on tient compte de l’absence de politique publique pouvant aider les artistes à vivre de leurs travaux. « Je vis de mes travaux artistiques depuis en classe de 8ème année fondamentale », lance l’étudiant en anthropo-sociologie à la faculté d’Ethnologie de l’UEH.

Le fils de la commune de Gros-Morne ne se limite pas seulement au 3ѐme art, il va de temps à autre câliner la littérature, notamment la poésie. Il prouve d’ailleurs qu’il peut aussi exceller dans le cinquième art. En 2020 d’ailleurs, il a été troisième lauréat de la première édition du concours de texte écrit en créole de la structure dénommée « Kreyoliti ». Sur un nombre de 68 textes, le sien titré « Liminasyon » a été parmi les trois retenus par le jury.

Dessin réalisé par Jamson Isaac

Tout comme la peinture et le dessin, la poésie donne du sens à sa vie. Toutefois, il ne se réclame pas encore poète. « On ne peut pas vivre sans la poésie. La vie elle-même est un ensemble de vers qui, chaque jour, prend place et se rime entre eux », croit-il. Et de poursuivre : « Je vis chaque jour de ma poésie, elle est en moi et me possède dans mes moindres respirations »

Des moments de gloire, Isaac en a déjà connu moult fois. Il se souvient comme si c’était hier qu’il s’est fait auréolé par ses amis et des habitants de sa ville natale après leur avoir présenté un ingénieux tableau. C’était pour lui un moment de gloire à nul autre pareil. Pour tenir le goût de ses œuvres comme du miel sur la langue de chacun des natifs de Gros-Morne, il a procédé à la fin de l’année 2020, contre vents et marées, à une exposition d’un ensemble de ses œuvres exclusivement liée à la nudité. « Kò Drape », a été le nom qu’il a tout bonnement attribué à ladite exposition.

« Un artiste doit aiguiser son talent par le travail tous les jours avec perspicacité et détermination », argue Isaac. Question d’expliquer la raison pour laquelle il ne se démarque définitivement de ses tableaux qu’une fois achevés.

Billy Doré
dorebilly100@gmail.com

À propos de Billy Doré

Je suis Billy Doré, étudiant en Sciences Politiques option Relations Internationales à l'INAGHEI de l'Université d'Etat d'Haïti. L'écriture est tout ce qui me reste quand je viens de tout donner. Les miettes servent à embellir les vides.

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